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À quoi roulera le camion de demain ?

Cela semble acté : dans le domaine des voitures particulières, les moteurs électriques alimentés par des batteries devraient remplacer le moteur à combustion dans les années à venir. Mais pour les camions, ce n’est pas encore gagné. Bien d’autres variantes permettront d’écologiser le secteur des transports à l’avenir. Mais elles entraîneront des défis. - Frederic Petitjean

Actuellement, moins de 5 % des camions vendus neufs sont pourvus d’un moteur électrique et d’une batterie. « Le marché des camions électriques peine à décoller pour différentes raisons », explique Lode Verkinderen, directeur de l’organisme Transport & Logistiek Vlaanderen (TLV). « Contrairement à une voiture, un camion n’est pas à l’arrêt 95 % du temps, il roule quasiment en permanence car il doit être rentable. Il n’est donc pas possible de le laisser charger plusieurs heures, cela doit aller vite. Mais nous constatons qu’en pratique, la vitesse de recharge des camions électriques est encore trop faible et que leur autonomie reste insuffisante. Sur de longues distances, les chauffeurs doivent recharger leur camion, ce qui est chronophage », précise-t-il.

« Un camion électrique rechargé entièrement aura au mieux une autonomie de 200 à 300 kilomètres avant de devoir se rendre à la borne de recharge. Il faut 1 h pour recharger une batterie de 20 à 80 % sur une borne de 400 kilowatts. Des bornes de 1.000 kilowatts sont en projet, mais elles ne seront pas disponibles avant fin 2025, les normes n’étant pas encore fixées. Et il faut attendre de voir si Fluvius peut encore brancher d’autres bornes de ce type à son réseau », ajoute Lode Verkinderen.

Un delta plus élevé

En tout cas, l’énergie joue un rôle beaucoup plus important dans le TCO (Total Cost of Ownership) des camions électriques que des diesels. « Avant, c’était simple : les transporteurs recherchaient le diesel le moins cher. Il y avait souvent une différence de prix de moins de 10 % entre le diesel le moins cher et le plus cher. Ce delta est beaucoup plus élevé pour l’énergie. Tout dépend de la manière dont vous rechargez. Avez-vous des panneaux solaires ? Vous rendez-vous à une borne de recharge publique ? Laquelle ? L’installez-vous vous-même ? Certains transporteurs joueront aussi le rôle de fournisseurs d’énergie. En Belgique, sept entreprises de transport sur dix disposent au maximum de cinq camions. Elles ne vont probablement jamais installer des bornes », poursuit Lode Verkinderen.

Les camions électriques posent encore bien d’autres problèmes. Leurs lourdes batteries représentent un coût considérable en matière de charge utile, puisque la loi limite le poids total des camions. Il existe bien une tolérance pour les camions électriques, mais vous pouvez toujours transporter une charge moindre. Par ailleurs, la différence de prix entre une voiture personnelle équipée d’un moteur électrique et un modèle identique pourvu d’un moteur à combustion est de 20 à 35 %. « Pour les camions, cela peut même aller jusqu’à 300 % », affirme Philippe Degraef, directeur de Febetra. « Le TCO pour un camion électrique n’est pas rentable, à moins que le client du transporteur ne soit prêt à le financer. C’est là que le bât blesse : pratiquement personne ne veut prendre ces frais supplémentaires à sa charge. Un moteur électrique est loin d’être adapté pour le transport longue distance. J’y vois du potentiel pour la distribution urbaine ou pour la collecte des déchets, mais ça ne se fera pas sans embûches. Le problème de la recharge persiste. »

Hydrogène ou HVO ?

L’hydrogène est souvent proposé comme alternative aux camions électriques, mais cette option n’est pas évidente à mettre en place. « Si vos dépenses sont triplées pour un camion électrique, elles seront facilement quintuplées avec un camion roulant à l’hydrogène. L’offre est aussi particulièrement réduite, seulement deux ou trois modèles sont disponibles. Un problème d’infrastructure se pose ici aussi : en Belgique, rares sont les stations-service où vous pouvez faire votre plein avec de l’hydrogène et il est bien plus cher que le diesel », précise Philippe Degraef.

Lode Verkinderen ne croit pas non plus que l’hydrogène sera utilisé de sitôt. « Pour l’industrie sidérurgique ou la pétrochimie, grands consommateurs d’énergie, l’hydrogène peut être une option dans un avenir proche, mais pas pour le transport. Il y a aussi la problématique de l’hydrogène vert ou gris. Si tout le monde roule à l’hydrogène gris, à combien s’élèveront les bénéfices environnementaux ? Une fois de plus, il faut qu’une infrastructure suffisante soit disponible et que les prix baissent, tant pour les camions que pour l’hydrogène. Si ces conditions sont remplies, ce dernier peut jouer un rôle significatif, puisqu’il possède bien des avantages. Il vous est par exemple déjà possible de parcourir 900 ou 1.000 kilomètres après dix minutes passées à la pompe », explique-t-il.

Dernière alternative au camion électrique : le biodiesel. Cette variante du diesel est aussi connue sous le nom d’HVO (Hydrotreated Vegetable Oil) et n’est pas extraite du pétrole, mais d’huiles résiduelles, de graisses et de déchets. Durant le cycle de vie du carburant, le HVO rejette quasiment 90 % de CO2 de moins que le diesel fossile. « Le gros avantage du HVO, c’est qu’il est entièrement compatible avec tous les moteurs diesel existants. Les grands inconvénients sont le volume et le prix. Le HVO provient de résidus organiques et en intensifier la production n’est pas simple. De plus, ce carburant n’est pas disponible partout et coûte beaucoup plus cher que le diesel traditionnel », précise Lode Verkinderen.

Plus d’implication

C’est clair : même si la décarbonisation est largement soutenue dans le secteur des transports, elle ne semble pas si évidente à mettre en place. « Je pense que nous devons tous être impliqués, y compris le gouvernement », ajoute Philippe Degraef. « Il devrait mettre en place davantage de mesures de soutien et d’aide financière afin de mieux gérer tout ça. Il existe par exemple une prime écologique du VLAIO, mais ses montants ont été rabotés en janvier dernier, ce qui n’est pas très cohérent avec la politique défendue par le gouvernement. À cela s’ajoute l’exonération de la taxe kilométrique, mais qui est seulement d’application en Flandre. À Bruxelles et en Wallonie, elle devrait entrer en vigueur cet été au plus tôt. À l’heure actuelle, il n’y a tout simplement aucun soutien, ce qui signifie que les entreprises de transport n’ont aucune raison de se mobiliser sur cette question. »

Cependant, selon nos deux interlocuteurs, le ton est donné : les camions écologiques vont arriver, même si cette transition exigera du temps et de l’argent. Un statu quo n’est plus une option. « Il est important que nous puissions résoudre ce problème en étant technologiquement neutres et en faisant preuve d’ouverture d’esprit. Qu’il s’agisse d’électricité, d’hydrogène ou de biodiesel, nous devons avant tout veiller à ne pas nous enfermer dans l’une ou l’autre technologie. Toutes les options sont ouvertes et nous devrons probablement, surtout au début, combiner plusieurs solutions différentes afin de les appliquer ensuite », conclut Lode Verkinderen. 

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