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En Marge du Top Transport : le Covid a rebattu les cartes

Avant son apparition, le secteur souffrait d’un excès d’offre, pénalisant surtout les petites entreprises. Un an plus tard, il peine à suivre. (Tony Coenjaerts)

Jamais notre pays n’a compté autant de transporteurs (10.491), ni autant de véhicules (86.131) affectés au transport. Près de 5.000 emplois de chauffeur n’y trouvent pas preneur. Ce sont hélas, les plus chers d’Europe, non par ce qu’ils gagnent mais par ce qu’ils coûtent, même si pour une fois, là n’est pas la question. L’Europe entière est en panne de chauffeurs et le cabinet britannique Transport Intelligence estime pour l’Europe entière ce manque à 400.000 personnes. Population vieillissante et manque d’attrait de la profession auprès des jeunes, le problème n’est certes pas nouveau mais le coronavirus a pris tout le monde de court et a été en quelque sorte le catalyseur d’un changement que personne n’avait prévu. Les tendances du marché s’en sont trouvées accélérées de trois à quatre ans. Le commerce électronique a explosé entraînant une multiplication des envois à traiter ainsi que des centres de tri, une robotisation accrue des tâches, le besoin de pouvoir suivre les envois en temps réel ainsi qu’une augmentation des flux de transport maritime. Pour sa dernière année en tant qu’instance autonome, le port d’Anvers a transbordé 240 millions de tonnes cargo. C’est 3,8% de mieux qu’en 2020 et même, légèrement plus qu’en 2019 qui avait pourtant marqué un record absolu au terme de sept années de croissance ininterrompue !

Les conteneurs aussi, commencent à manquer même si, selon les spécialistes, il s’agit davantage d’un problème de congestion portuaire que de pénurie. Dans les airs, l’accélération suit la même tendance. Si en 2020, notre fret aérien a reculé de 15% par rapport à 2019, l’année suivante, on n’en parlait même plus avec une progression de près de 50% par rapport à cette même année 2019, essentiellement localisée à Liège. Côté passagers en revanche, la déroute a été totale. Avec un trafic passagers en régression de 77%, Brussels Airlines affiche une perte de 386 millions d’euros. Pour TUI, les chiffres correspondants sont 40% et 191 millions d’euros. Ce sont les deux plus grosses pertes de l’exercice sous revue. Le plus gros bénéfice (369 millions) est celui d’Euronav qui s’explique par un manque de pétroliers lorsqu’en 2020, l’Arabie saoudite est soudainement montée en production pour contrer les pays de l’OPEP+, parmi lesquels la Russie, qui venaient de s’entendre pour limiter pendant deux mois la production mondiale de brut. C’est la seule progression spectaculaire de notre classement qui compte en revanche beaucoup de grands perdants de sorte que, globalement, le bénéfice net des entreprises de notre Top s’est trouvé divisé par trois.

D’une Poste à l’autre

Lorsque DHL a pris possession, en 2017, de son nouveau centre de tri sur le site de Brussels Airport, la société tablait sur une croissance de 8%, largement dépassée depuis l’entrée en scène du coronavirus. D’où un risque de saturation anticipée et la location via Prologis de 10.000 mètres carrés dans le voisinage immédiat. Outre DHL, Deutsche Post est également présent dans notre pays via Pharma Logistics (CA 359 millions) qui approvisionne une soixantaine de clients au départ de ses dépôts de Huizingen, Lot et Boortmeerbeek.

Pour un groupe comme DPD, ce changement d’habitude s’est traduit par la livraison d’un demi-milliard de colis supplémentaires avec un record quotidien de 13,9 millions de colis pour le Cyber Monday (30 novembre) 2020. D’où l’investissement dans notre pays d’une soixantaine de millions d’euros et la création de 500 emplois, matérialisés notamment par la construction à Vilvorde d’un centre de tri, capable de traiter 60 millions de colis par an, qui devrait ouvrir ses portes en mai prochain. Avec en consolidé 11,3 milliards d’euros, DPD assure un peu plus du tiers des revenus générés par La Poste française dont le groupe est filiale.

Post NL a ouvert fin de l’année dernière deux nouveau dépôts, l’un situé à Oevel, l’autre à Desteldonk, ce qui porte à neuf le nombre d’installations de ce type dans notre pays. A Willebroek, un nouveau centre de tri apportant quelque 400 emplois a ouvert ses portes au début de cette année et un deuxième est annoncé pour l’automne. Il sera situé en Flandre orientale. Pour n’être pas en reste, Active Ants, filiale nouvellement constituée par bpost a ouvert en septembre dernier, également à Willebroek, un centre de fulfillment dans lequel  s’activeront 50 robots et ouvrira à l’automne à Amsterdam, via Dynalogic, un nouveau centre de distribution de 14.000 mètres carrés. Le groupe hollandais Dyna, acquis en 2017 par bpost, occupe près de 2.000 personnes. Au sein de bpost, les activités logistiques européennes et asiatiques, en progrès de 32%, ont assuré un quart du chiffre d’affaires consolidé de 2020.

Malgré le Brexit, les postes britanniques restent actives dans notre pays et figurent même via leur filiale belge parmi les principaux sponsors de nos Diables Rouges. A Wijnegem, dans la banlieue d’Anvers GLS Belgium Distribution a ouvert en avril dernier un nouveau dépôt capable de traiter plus de 10.000 colis par jour. En consolidé GLS a réalisé en 2020 un chiffre d’affaires de 3,6 milliards d’euros.

Expansion limbourgeoise

Fidèle à ses racines, Essers construit actuellement à Lommel en Limburg,  150.000 mètres carrés d’entrepôt et a réalisé en 2020 la plus importante acquisition de son histoire : le groupe hollandais Meeus – 411 personnes, 57 millions de chiffre d’affaires. Basé à Bergen-op-Zoom, ce dernier est spécialisé dans le transport multimodal de produits chimiques liquides, tout comme le franco-norvégien Tank Management également acquis en 2020 ou Huktra, basé à Zeebruges qui a rejoint le groupe deux ans auparavant. Pour Essers, le transport de produits chimiques liquides en vrac s’inscrit dans un plan stratégique marqué par l’acquisition en 2021 de l’Espagnol Coral Transport & Logistics. En consolidé, Essers a réalisé en 2020 un chiffre d’affaires de 779 millions d’euros et a pris possession quelques mois plus tard de son nouveau siège social situé à Genk Nord.

Alders, l’autre transporteur en croissance rapide de la province, a regroupé les sociétés récemment acquises – Marcel Depaire, Hasaerts Intermodals – ainsi qu’en 2020, Vandenbroeck, sous une enseigne unique : Altrea. En consolidé, Altrea a réalisé en 2020 un chiffre d’affaires de 80 millions d’euros. Fin de l’année dernière, Trafuco, basé à Schelle est venu rejoindre le groupe. Auparavant, Trafuco avait cédé au groupe Van Moer la société NDB Logistics, spécialisé dans le transport par conteneurs. Acteur logistique omniprésent, Van Moer Group avait à deux reprises déjà suscité la convoitise du tycoon anversois Fernand Huts mais en juin dernier, c’est le groupe anversois Ackermans & van Haaren (AvH) qui peut investir 12,5 millions d’euros dans le groupe, acquérant ainsi 21,7% du capital. Outre NDB Logistics, Van Moer a acquis en 2021 le transporteur anversois Bertels International, ainsi que TTB (Trimodal Terminal Brussels), le terminal à conteneurs du port de Bruxelles. Parallèlement, ce dernier décidait une extension de son terminal à conteneurs dont la capacité sera portée de 50.000 à 120.000 EVP (Equivalent Vingt Pieds). En 2020, Van Moer a réalisé un chiffre d’affaires de 186 millions d’euros et pris, en ce début d’année, pied en Allemagne avec l’acquisition de Holstieger GmbH, basé dans la Ruhr.

Fonds d’investissement

Spécialisé dans le transport de denrées alimentaires, Sitra avait vu en 2020 son chiffre d’affaires consolidé tomber de 150 à 121 millions d’euros suite à la déconsolidation du groupe hollandais Amerongen Kamphuis, actif dans le même secteur. Désirant à la fois atteindre les 200 millions de chiffre d’affaires et s’étendre vers le Nord, le transporteur yprois y avait pris une participation de 50%. Mais les choses n’ont pas tourné comme espéré : en octobre 2021, deux sociétés du groupe hollandais étaient déclarées en faillite et les titres détenus par Sitra Nederland Holding, vendus. Fin 2021, Creafund, un fonds d’investissement alimenté par diverses familles entrepreneuriales flamandes qui, outre leurs fonds, mobilisent également leurs réseaux, prenait une participation de 50% dans le capital de Sitra qui espère renouer ainsi avec la croissance.

Manuport Logistics, dont la maison-mère se trouve à Chypre, a fait avec l’intégration de la société turque Mira Transport Services, la plus importante acquisition de son histoire. Afin de mieux pouvoir se recentrer sur ses activités de déménagement et de logistique, Gosselin a cédé les activités de levage et de manutention de sa filiale Heavy à Samoco, une filiale du groupe Sarens. Réalisant un chiffre d’affaires consolidé de 275 millions d’euros, Gosselin  a successivement acquis l’ancien site de Milcobel - 65.000 mètres carrés situés à Schoten le long du canal Albert - ainsi que les entreprises de déménagement belge Meys (Brasschaat) et hollandaise UniMove Rotterdam. En 2020, le groupe a conclu avec le gouvernement belge un contrat de quatre ans relatif au déménagement international du personnel de divers services fédéraux. Sarens, qui a fêté en 2020 son centenaire, a vu l’année suivante Luc Tack, déjà actionnaire de Picanol et Tessenderlo, reprendre via sa société holding personnelle Begoos, la participation (22%) détenue depuis 2011 par le fonds d’investissement Waterland. Avec un chiffre d’affaires consolidé de 628 millions d’euros, Sarens a bien résisté à la crise mais a vu son résultat (moins 14 millions) plombé par d’importantes pertes de change. En 2021, Waterland est également entré dans le capital de Dematra afin de stimuler la croissance de cette entreprise de Nazareth qui occupe 120 personnes et a réalisé en 2020 un chiffre d’affaires de 24 millions d’euros.

Conséquence indirecte du Covid, qui a vu en 2020 la production automobile mondiale chuter de 15,8% ? Toujours est-il que depuis le milieu de l’année dernière, Gefco, dont le centre de distribution belge jouxte, à Ghislenghien en Hainaut, les installations de Colruyt, se trouve mis en vente. Ainsi en ont décidé ses actionnaires : le groupe ferroviaire russe RZD (75%) ainsi que le groupe automobile Stellantis (25%) né de la fusion des groupes PSA et Fiat Chrysler. Spécialisé dans la logistique automobile, Gefco a vu en 2020 son chiffre d’affaires consolidé chuter de 4,7 à 3,8 milliards d’euros.


Cet article est paru dans le Top Transport, qui est disponible en PDF.

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